FRATERNITE TRANSCENDANTALISTE RAZIEL

ELIPHAS LEVI


LE TRIANGLE DE SALOMON

LE TRIANGLE DE SALOMON

PLENITUDO VOCIS.

BINAH.

PHYSIS.

Le verbe parfait, c'est le ternaire, parce qu'il suppose un principe intelligent, un principe parlant et un principe parlé.

L'absolu, qui se révèle par la parole, donne à cette parole un sens égal à lui-même, et crée un troisième lui-même dans l'intelligence de cette parole.

C'est ainsi que le soleil se manifeste par sa lumière et prouve cette manifestation ou la rend efficace par sa chaleur.

Le ternaire est tracé dans l'espace par le point culminant du ciel, l'infini en hauteur, qui se rattache par deux lignes droites et divergentes à l'orient et à l'occident.

Mais à ce triangle visible la raison compare un autre triangle invisible, qu'elle affirme être égal au premier : c'est celui qui a pour sommet la profondeur, et dont la base renversée est parallèle à la ligne horizontale qui va de l'orient à l'occident.

Ces deux triangles, réunis en une seule figure, qui est celle d'une étoile à six rayons, forment le signe sacré du sceau de Salomon, l'étoile brillante du macrocosme.

L'idée de l'infini et de l'absolu est exprimée par ce signe ? qui est le grand pentacle, c'est-à-dire le plus simple et le plus complet abrégé de la science de toutes choses.

La grammaire elle-même attribue trois personnes au verbe.

La première est celle qui parle, la seconde celle à qui l'on parle, la troisième celle de qui l'on parle.

Le prince infini, en créant, parle de lui-même à lui-même.

Voilà l'explication du ternaire et l'origine du dogme de la Trinité.

Le dogme magique aussi est un en trois et trois en un.

Ce qui est au-dessus ressemble ou est égal à ce qui est au-dessous.

Ainsi deux choses qui se ressemblent et le verbe qui exprime leur ressemblance font trois.

Le ternaire est le dogme universel.

En magie, principe, réalisation, adaptation ; en alchimie, azoth, incorporation, transmutation ; en théologie, Dieu, incarnation, rédemption ; dans l'âme humaine, pensée, amour et action ; dans la famille, père, mère et enfant. Le ternaire est le but et l'expression suprême de l'amour : on ne se cherche à deux que pour devenir trois.

Il y a trois mondes intelligibles qui correspondent les uns avec les autres par l'analogie hiérarchique :

Le monde naturel ou physique, le monde spirituel ou métaphysique, et le monde divin ou religieux.

De ce principe résulte la hiérarchie des esprits divisés en trois ordres, et subdivisés dans ces trois ordres toujours par le ternaire.

Toutes ces révélations sont des déductions logiques des premières notions mathématiques de l'être et du nombre.

L'unité, pour devenir active, doit se multiplier. Un principe indivisible, immobile et infécond, serait l'unité morte et incompréhensible.

Si Dieu n'était qu'un, il ne serait jamais créateur, ni père. S'il était deux, il y aurait antagonisme ou division dans l'infini, et ce serait le partage ou la mort de toute chose possible : il est donc trois pour créer de lui-même et à son image la multitude infinie des êtres et des nombres.

Ainsi il est réellement unique en lui-même et triple dans notre conception, ce qui nous le fait voir aussi triple en lui-même et unique dans notre intelligence et dans notre amour. Ceci est un mystère pour le croyant et une nécessité logique pour l’initié aux sciences absolues et réelles.

Le Verbe manifesté par la vie, c'est la réalisation ou l'incarnation.

La vie du Verbe accomplissant son mouvement cyclique, c'est l'adaptation ou la Rédemption. Ce triple dogme a été connu dans tous les sanctuaires éclairés par la tradition des sages. Voulez-vous savoir quelle est la vraie religion. Cherchez celle qui réalise le plus dans l'ordre divin ; celle qui humanise Dieu et divinise l'homme ; celle qui conserve intact le dogme ternaire, qui incarne le Verbe en faisant voir et toucher Dieu aux plus ignorants ; celle enfin dont la doctrine convient à tous et peut s'adapter à tout ; la religion qui est hiérarchique et cyclique, qui a pour les enfants des allégories et des images, pour les hommes faits une haute philosophie, de sublimes espérances, et de douces consolations pour les vieillards.

Les premiers sages qui ont cherché la cause des causes ont vu le bien et le mal dans le monde ; ils ont observé l'ombre et la lumière ; ils ont comparé l'hiver au printemps, la vieillesse à la jeunesse, la vie à la mort, et ils ont dit : La cause première est bienfaisante et rigoureuse, elle vivifie et elle détruit.

– Il y a donc deux principes contraires, un bon et un mauvais ? se sont écriés les disciples de Manès.

– Non, les deux principes de l'équilibre universel ne sont pas contraires, bien qu'ils soient opposés en apparence: car c'est une sagesse unique qui les oppose l'un à l'autre.

Le bien est à droite, le mal est à gauche ; mais la bonté suprême est au-dessus des deux, et elle fait servir le mal au triomphe du bien, et le bien à la réparation du mal.

Le principe d’harmonie est dans l'unité, et c'est ce qui donne en magie tant de puissance au nombre impair. Mais le plus parfait des nombres impairs, c’est trois, parce que c'est la trilogie de l'unité.

Dans les trigrammes de Fohi, le ternaire supérieur se compose de trois yang ou figures masculines, parce que, dans l'idée de Dieu considéré comme principe de la fécondité dans les trois mondes, on ne saurait rien admettre de passif.

C'est pour cela aussi que la trinité chrétienne n'admet point la personnification de la mère qui est implicitement énoncée dans celle du fils. – C'est pour cela aussi qu'il est contraire aux lois de la symbolique hiératique et orthodoxe de personnifier le Saint-Esprit sous la figure d'une femme.

La femme sort de l'homme comme la nature sort de Dieu : aussi le Christ s'élève lui-même au ciel et assume la Vierge mère ; on dit l'ascension du Sauveur et l'assomption de la mère de Dieu.

Dieu, considéré comme père, a la nature pour fille.

Comme fils, il a la Vierge pour mère et l'Eglise pour épouse.

Comme Saint-Esprit, il régénère et féconde l'humanité.

C'est ainsi que, dans les trigrammes de Fohi, aux trois yang supérieurs correspondent les trois yin inférieurs, car les trigrammes de Fohi sont un pentacle semblable aux deux triangles de Salomon, mais avec une interprétation ternaire des six points de l'étoile brillante.

 

Le dogme n'est divin qu'en tant qu'il est vraiment humain, c'est-à-dire qu'il résume la plus haute raison de l’humanité : aussi le maître que nous appelons l'Homme-Dieu s'appelait-il lui-même le Fils de l'homme.

La révélation, c'est l'expression de la croyance admise et formulée par la raison universelle dans le verbe humain.

C'est pourquoi on dit que dans l'Homme-Dieu la divinité est humaine et l’humanité divine.

Nous disons tout ceci philosophiquement, et non théologiquement ; et ceci ne touche en rien l'enseignement de l’église, qui condamne et doit toujours condamner la magie.

Paracelse et Agrippa n'ont pas élevé autel contre autel, et se sont soumis a la religion dominante dans leur temps. Aux élus de la science les choses de la science ; aux fidèles les choses de la foi !

L'empereur Julien, dans son hymne au roi Soleil, donne une théorie du ternaire qui est presque identiquement la même que celle de l'illuminé Swedenborg.

Le soleil du monde divin est la lumière infinie spirituelle et incréée ; cette lumière se verbalise, si l'on peut parler ainsi, dans le monde philosophique, et devient le foyer des âmes et de la vérité, puis elle s'incorpore et devient lumière visible dans le soleil du troisième monde, soleil central de nos soleils, et dont les étoiles fixes sont les étincelles toujours vivantes.

Les cabalistes comparent l'esprit à une substance qui reste fluide dans le milieu divin et sous l'influence de la lumière essentielle, mais dont l'extérieur se durcit comme une cire exposée à l'air dans les régions plus froides du raisonnement ou des formes visibles. Ces écorces ou enveloppes pétrifiées (nous dirions mieux carnifiées, si le mot était français) sont la cause des erreurs ou du mal, qui tient à la pesanteur et à la dureté des enveloppes animiques. Dans le livre de Sohar et dans celui des révolutions des âmes, les esprits pervers, ou mauvais démons, ne sont pas appelés autrement que les écorces, cortices.

Les écorces du monde des esprits sont transparentes, celles du monde matériel sont opaques ; les corps ne sont que des écorces temporaires et dont les âmes doivent être délivrées ; mais ceux qui obéissent au corps en cette vie se font un corps intérieur ou une écorce fluidique qui devient leur prison et leur supplice après la mort, jusqu'au moment où ils parviennent à la fondre dans la chaleur de la lumière divine, ou leur pesanteur les empêche de monter ; ils n'y arrivent qu'avec des efforts infinis et le secours des justes qui leur tendent la main, et pendant tout ce temps ils sont dévorés par l'activité intérieure de l'esprit captif comme dans une fournaise ardente. Ceux qui parviennent au bûcher de l'expiation s'y brûlent eux-mêmes comme Hercule sur le mont Œta et se délivrent ainsi de leurs gênes ; mais le plus grand nombre manquent de courage devant cette dernière épreuve, qui leur semble une seconde mort plus affreuse que la première, et restent ainsi dans l'enfer, qui est éternel de droit et de fait, mais dans lequel les âmes ne sont jamais ni précipitées ni retenues malgré elles.

Les trois mondes correspondent ensemble par les trente-deux voies de lumière qui sont les échelons de l'échelle sainte ; toute pensée vraie correspond à une grâce divine dans le ciel, et à une œuvre utile sur la terre. Toute grâce de Dieu suscite une vérité et produit un ou plusieurs actes, et réciproquement tout acte remue dans les cieux une vérité ou un mensonge, une grâce ou un châtiment. Lorsqu'un homme prononce le tétragramme, écrivent les cabalistes, les neuf cieux reçoivent une secousse, et tous les esprits se crient les uns aux autres : Qui donc trouble ainsi le royaume du ciel ? Alors la terre révèle au premier ciel les péchés du téméraire qui prend le nom de l'éternel en vain, et le verbe accusateur est transmis de cercle en cercle, d'étoile en étoile et de hiérarchie en hiérarchie.

Toute parole a trois sens, toute action une triple portée, toute forme une triple idée, car l'absolu correspond de monde en monde avec ses formes. Toute détermination de la volonté humaine modifie la nature, intéresse la philosophie, et s'écrit dans le ciel. Il y a donc deux fatalités, l'une résultant de la volonté de l'incréé d'accord avec sa sagesse, l'autre résultant des volontés créées d'accord avec la nécessité des causes secondes dans leurs rapports avec la cause première.

Rien n'est donc indifférent dans la vie, et nos déterminations les plus simples en apparence décident souvent d'une série incalculable de biens ou de maux, surtout dans les rapports de notre diaphane avec le grand agent magique, comme nous l'expliquerons ailleurs.

Le ternaire, étant le principe fondamental de toute la cabale ou tradition sacrée de nos pères, a dû être le dogme fondamental du christianisme dont il explique le dualisme apparent par l'intervention d'une harmonieuse et toute puissante unité. Le Christ n'a pas écrit son dogme, et ne l’a révélé en secret qu'à son disciple favori, seul cabaliste, et grand cabaliste entre les apôtres. Aussi l'Apocalypse est-elle le livre de la gnose ou doctrine secrète des premiers chrétiens, doctrine dont la clef est indiquée par un verset secret du Pater que la Vulgate ne traduit pas, et que dans le rit grec (conservateur des traditions de saint Jean) il n'est permis qu'aux prêtres de prononcer. Ce verset, tout cabalistique, se trouve dans le texte grec de l'évangile selon saint Mathieu et dans plusieurs exemplaires hébraïques.

 

 

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Le mot sacré de Malkout, employé pour Keter, qui est son correspondant cabalistique, et la balance de Geburah et de Chesed se répétant dans les cercles ou cieux que les gnostiques appelaient Eones, donnent dans ce verset occulte, la clef de voûte de tout le temple chrétien. Les protestants l'ont traduit et conservé dans leur Nouveau Testament, sans en retrouver la haute et merveilleuse intelligence, qui leur eût dévoilé tous les mystères de l'Apocalypse ; mais c'est une tradition dans l'Eglise que la révélation de ces mystères est réservée aux derniers temps.

Malkout appuyé sur Géburah et sur Chesed, c'est le temple de Salomon ayant pour colonnes Jakin et Bohas. C'est le dogme adamique, appuyé d'une part sur la résignation d'Abel, et de l'autre sur le travail et les remords de Caïn ; c'est l'équilibre universel de l'être basé sur la nécessité et sur la liberté, sur la fixité et le mouvement ; c'est la démonstration du levier universel cherchée vainement par Archimède. Un savant qui a employé tout son talent à se rendre obscur, et qui est mort sans avoir voulu se faire comprendre, avait résolu cette suprême équation, retrouvée par lui dans la cabale, et craignait par-dessus tout qu'on ne pût savoir, s'il s'exprimait plus clairement, l'origine de ses découvertes. Nous avons entendu un de ses disciples et de ses admirateurs s'indigner, peut-être de bonne foi, en l'entendant appeler cabaliste, et pourtant nous devons dire, à la gloire de ce savant, que ses recherches nous ont considérablement abrégé notre travail sur les sciences occultes, et que la clef de la haute cabale surtout, indiquée dans le verset occulte que nous venons de citer, a été doctement appliquée à une reforme absolue de toutes les sciences dans les livres d'Hœné Wronski.

La vertu secrète des Evangiles est donc contenue dans trois mots, et ces trois mots ont fondé trois dogmes et trois hiérarchies. Toute science repose sur trois principes, comme le syllogisme sur trois termes. Il y a aussi trois classes distinctes ou trois rangs originels et naturels parmi les hommes, qui sont tous appelés à monter du plus bas au plus haut. Les Hébreux appellent ces séries ou degrés du progrès des esprits, Asiah, Jézirah et Briah. Les gnostiques, qui étaient les cabalistes chrétiens, les nommaient Hylé, Psyché et Gnosis ; le cercle suprême s'appelait chez les Hébreux Aziluth, et chez les gnostiques Pléroma.

Dans le tétragramme, le ternaire, pris au commencement du mot, exprime la copulation divine, pris à la fin, il exprime le féminin et la maternité. Eve porte un nom de trois lettres, mais l'Adam primitif est exprimé par la seule lettre Jod, en sorte que Jéhova devrait se prononcer Iéva. Ceci nous conduit au grand et suprême mystère de la magie exprimé par le quaternaire.

 

Titre : DOGME ET RITUEL DE HAUTE MAGIE
Auteur : Éliphas Lévi


18/05/2015
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LES COLONNES DU TEMPLE

2 B

LES COLONNES DU TEMPLE

CHOCMAH.

DOMUS.

GNOSIS.

La science, c'est la possession absolue et complète de la vérité.

Aussi les sages de tous les siècles ont-ils tremblé devant ce mot absolu et terrible ; ils ont craint de s'arroger le premier privilège de la divinité, en s'attribuant la science, et ils se sont contentés, au lieu du verbe savoir, de celui qui exprime la connaissance, et, au lieu du mot science, ils ont adopté celui de gnose, qui exprime seulement l'idée de connaissance par intuition.

Que sait l'homme, en effet ? Rien, et pourtant il ne lui est pas permis de rien ignorer.

Il ne sait rien, et il est appelé à tout connaître.

Or la connaissance suppose le binaire. Il faut à l'être qui connaît un objet connu.

Le binaire est le générateur de la société et de la loi ; c'est aussi le nombre de la gnose. Le binaire est l'unité se multipliant d'elle-même pour créer ; et c'est pour cela que les symboles sacrés font sortir Eve de la poitrine même d'Adam.

Adam, c'est le tétragramme humain, qui se résume dans le jod mystérieux, image du phallus cabalistique. Ajoutez à ce jod le nom ternaire d'Eve, et vous formez le nom de Jéhova, le tétragramme divin, qui est le mot cabalistique et magique par excellence :

 

que le grand-prêtre, dans le temple, prononçait Jodchéva.

C'est ainsi que l'unité complète dans la fécondité du ternaire forme, avec lui, le quaternaire, qui est la clef de tous les nombres, de tous les mouvements et de toutes les formes. Le carré, en tournant sur lui-même, produit le cercle égal à lui-même, et c'est la quadrature du cercle que le mouvement circulaire de quatre angles égaux tournant autour d'un même point.

Ce qui est en haut, dit Hermès, égale ce qui est en bas : voilà le binaire servant de mesure à l'unité ; et la relation d'égalité entre le haut et le bas, voilà ce qui forme avec eux le ternaire.

Le principe créateur, c'est le phallus idéal; et le principe créé, c'est le cteïs formel.

L'insertion du phallus vertical dans le cteïs horizontal forme le stauros des gnostiques, ou la croix philosophique des maçons. Ainsi le croisement de deux produit quatre, qui, en se mouvant, déterminent le cercle avec tous ses degrés.

æ, c'est l'homme ; È c'est la femme 1, c'est le principe ; 2, c'est le verbe ; A, c'est l'actif ; B c'est le passif ; l'unité, c'est Bohas, et le binaire, c'est Jakin.

Dans les trigrammes de Fohi, l'unité, c'est le yang ; et le binaire, c'est le yin.

 

Bohas et Jakin sont les noms des deux colonnes symboliques qui étaient devant la porte principale du temple cabalistique de Salomon.

Ces deux colonnes expliquent en cabale tous les mystères de l'antagonisme, soit naturel, soit politique, soit religieux, et ils expliquent la lutte génératrice de l'homme et de la femme : car, selon la loi de la nature, la femme doit résister à l'homme, et lui, doit la charmer ou la soumettre.

Le principe actif cherche le principe passif, le plein est amoureux du vide. La gueule du serpent attire sa queue, et, en tournant sur lui-même, il se fuit et il se poursuit.

La femme est la création de l'homme, et la création universelle est la femme du premier principe.

Quand l'être principe s’est fait créateur, il a érigé un jod ou un phallus, et, pour lui faire place dans le plein de la lumière incréée, il a dû creuser un cteïs ou une fosse d'ombre égale a la dimension déterminée par son désir créateur, et attribuée par lui au jod idéal de la lumière rayonnante.

Tel est le langage mystérieux des cabalistes dans le Talmud, et, à cause des ignorances et des méchancetés du vulgaire, il nous est impossible de l'expliquer ou de le simplifier davantage.

Qu'est-ce donc que la création ? C'est la maison du Verbe créateur. Qu'est-ce que le cteïs ? C'est la maison du phallus. Quelle est la nature du principe actif ? C'est de répandre. Quelle est celle du principe passif ? C'est de rassembler et de féconder.

Qu'est-ce que l'homme ? C'est l'initiateur, celui qui brise, qui laboure et qui sème.

Qu'est-ce que la femme ? C'est la formatrice, celle qui réunit, qui arrose et qui moissonne.

L'homme fait la guerre, et la femme procure la paix ; l'homme détruit pour créer, la femme édifie pour conserver ; l'homme c'est la révolution, la femme c'est la conciliation ; l'homme est le père de Caïn, la femme est la mère d'Abel.

Qu'est-ce que la sagesse ? C'est la conciliation et l'union des deux principes, c'est la douceur d'Abel dirigeant l’énergie de Caïn, c'est l’homme suivant les douces inspirations de la femme, c'est la débauche vaincue par le légitime mariage, c'est l'énergie révolutionnaire adoucie et domptée par les douceurs de l'ordre et de la paix, c'est l'orgueil soumis a l'amour, c'est la science reconnaissant les inspirations de la foi.

Alors la science humaine devient sage, parce qu’elle est modeste, et se soumet à l'infaillibilité de la raison universelle, enseignée par l'amour ou par la charité universelle. Elle peut alors prendre le nom de gnose, parce qu'elle connaît du moins ce qu’elle ne peut encore se vanter de parfaitement savoir.

L'unité ne peut se manifester que par le binaire ; l'unité elle-même et l'idée de l'unité font déjà deux.

L'unité du macrocosme se révèle par les deux points opposés des deux triangles :

 

L'unité humaine se complète par la droite et la gauche. L'homme primitif est androgyne ; Tous les organes du corps humain sont disposés Par deux, excepté le nez, la langue, l'ombilic et le jod cabalistique.

La divinité, une dans son essence, a deux conditions essentielles pour bases fondamentales de son être : la nécessité et la liberté.

Les lois de la raison suprême nécessitent en Dieu et règlent la liberté, qui est nécessairement raisonnable et sage. Pour rendre la lumière visible, Dieu a seulement supposé l'ombre.

Pour manifester la vérité, il a rendu le doute possible.

L'ombre est le repoussoir de la lumière, et la possibilité de l'erreur est nécessaire pour la manifestation temporelle de la vérité.

Si le bouclier de Satan n'arrêtait la lance de Michaël, la puissance de l'ange se perdrait dans le vide ou devrait se manifester par une destruction infinie dirigée de haut en bas.

Et si le pied de Michaël ne retenait Satan dans son ascension, Satan irait détrôner Dieu, où plutôt se perdre lui-même dans les abîmes de la hauteur.

Satan est donc nécessaire à Michaël comme le piédestal à la statue, et Michaël est nécessaire à Satan comme le frein à la locomotive.

En dynamique analogique et universelle, on ne s'appuie que sur ce qui résiste.

Aussi l'univers est-il balancé par deux forces qui le maintiennent en équilibre : la force qui attire et celle qui repousse. Ces deux forces existent en physique, en philosophie et en religion. Elles produisent en physique l'équilibre, en philosophie la critique, en religion la révélation progressive. Les anciens ont représenté ce mystère par la lutte d'Eros et d'Antéros, par le combat de Jacob avec l'ange, par l'équilibre de la montagne d'or que tiennent liée, avec le serpent symbolique de l'Inde, les dieux d'un côté et de l'autre les démons.

Il se trouve aussi figuré par le caducée d'Hermanubis, par les deux chérubins de l'arche, par les deux sphinx du chariot d'Osiris, par les deus Séraphins, le blanc et le noir. Sa réalité scientifique est démontrée par les phénomènes de la polarité et par la loi universelle des sympathies ou des antipathies.

Les disciples inintelligents de Zoroastre ont divinisé le binaire sans le rapporter à l'unité, séparant ainsi les colonnes du temple, et voulant écarteler Dieu. Le binaire en Dieu n'existe que par le ternaire. Si vous concevez l'absolu comme deux, il faut immédiatement le concevoir comme trois, pour retrouver le principe unitaire.

C'est pour cela que les éléments matériels analogues aux éléments divins se conçoivent comme quatre, s’expliquent comme deux, et n'existent finalement que comme trois.

La révélation, c'est le binaire ; tout verbe est double et suppose deux.

La morale qui résulte de la révélation est fondée sur l’antagonisme, qui est la conséquence du binaire. L'esprit et la forme s'attirent et se repoussent comme l'idée et le signe, comme la vérité et la fiction. La raison suprême nécessite le dogme en se communiquant aux intelligences finies, et le dogme, en passant du domaine des idées à celui des formes, se fait participant de deux mondes, et a nécessairement deux sens qui parlent successivement, ou à la fois, soit à l'esprit, soit à la chair.

Aussi dans le domaine moral y a-t-il deux forces : une qui attente, et l'autre qui réprime ou qui expie. Ces deux forces sont figurées dans les mythes de la Genèse par les personnages typiques de Caïn et d'Abel.

Abel opprime Caïn par sa supériorité morale ; Caïn, pour s'affranchir, immortalise son frère en le tuant, et devient la victime de son propre forfait. Caïn n'a pu laisser vivre Abel, et le sang d'Abel ne laisse plus dormir Caïn.

Dans l'Evangile, le type de Caïn est remplacé par celui de l’Enfant prodigue, à qui son père pardonne tout, parce qu'il revient après avoir beaucoup souffert.

En Dieu, il y a miséricorde et justice : il fait justice aux justes et miséricorde aux pécheurs.

Dans l'âme du monde, qui est l'agent universel, il y a un courant d'amour et un courant de colère.

Ce fluide ambiant et qui pénètre toute chose ; ce rayon détaché de la gloire du soleil et fixé par le poids de l'atmosphère et par la force d'attraction centrale ; ce corps du Saint-Esprit, que nous appelons l'agent universel, et que les anciens ont représenté sous la figure du serpent qui se mord la queue ; cet éther électrico-magnétique, ce calorique vital et lumineux, est figuré dans les anciens monuments par la ceinture d'Isis, qui se tourne et se retourne en nœud d'amour autour des deux pôles, et par le serpent qui se mord la queue, emblème de la prudence et de Saturne.

Le mouvement et la vie consistent dans la tension extrême des deux forces.

Plût à Dieu, disait le Maître, que vous fussiez tout froid ou tout chaud !

En effet, un grand coupable est plus vivant qu'un homme lâche et tiède, et son retour à la vertu sera en raison de l'énergie de ses égarements.

La femme qui doit écraser la tête du serpent, c'est l'intelligence, qui surmonte toujours le courant des forces aveugles. C'est, disent les cabalistes, la vierge de la mer, dont le dragon infernal vient lécher les pieds Humides avec ses langues de feu qui s'endorment de volupté.

Tels sont les mystères hiératiques du binaire. Mais il en est un, le dernier de tous, qui ne doit pas être révélé: la raison en est, selon Hermès Trismégiste, dans l'inintelligence du vulgaire, qui donnerait aux nécessités de la science toute la portée immorale d'une aveugle fatalité. Il faut contenir le vulgaire, dit-il encore, par la frayeur de l'inconnu ; et le Christ disait aussi : Ne jetez pas vos perles devant les pourceaux, de peur qu'ils ne les foulent aux pieds, et que, se retournant contre vous, ils ne vous dévorent. L'arbre de la science du bien et du mal, dont les fruits donnent la mort, est l'image de ce secret hiératique du binaire. Ce secret, en effet, s’il est divulgué, ne peut être que mal compris, et l'on en conclut ordinairement à la négation impie du libre arbitre, qui est le principe moral de la vie. Il est donc dans l'essence des choses que la révélation de ce secret donne la mort, et ce n'est pourtant pas encore là le grand arcane de la magie ; mais le secret du binaire conduit à celui du quaternaire, ou plutôt il en procède et se résout par le ternaire, qui contient le mot de l'énigme du sphinx tel qu'il eût dû être trouvé pour sauver la vie, expier le crime involontaire, et assurer le royaume d'Œdipe.

Dans le livre hiéroglyphique d'Hermès (voir le jeu de Tarot), que l'on nomme aussi le livre de Thot, le binaire est représenté soit par une grande prêtresse ayant les cornes d'Isis, la tête voilée, un livre ouvert, qu'elle cache à demi sous son manteau ; ou par la femme souveraine, la déesse Junon des Grecs, tenant une main élevée vers le ciel et l'autre abaisse vers la terre, comme si elle formulait par ce geste le dogme unique et dualiste qui est à la base de la magie et qui commence les merveilleux symboles de la table d'émeraude d'Hermès.

Dans l'Apocalypse de saint Jean, il est question de deux témoins ou martyrs auxquels la tradition prophétique donne les noms d'Elie et d'Hénoch : Elie, l'homme de la foi, du zèle et du miracle ; Hénoch, le même que les Egyptiens ont appelé Hermès et que les Phéniciens honoraient sous le nom de Cadmus, l'auteur de l'alphabet sacré et de la clef universelle des initiations du Verbe, le père de la cabale, celui, disent les saintes allégories, qui n'est pas mort comme les autres hommes, mais qui a été enlevé au ciel pour revenir à la fin des temps. On disait à peu près la même chose de saint Jean lui-même, qui a retrouvé et expliqué dans son Apocalypse les symboles du Verbe d'Hénoch. Cette résurrection de saint Jean et d'Hénoch, attendue à la fin des siècles d'ignorance, sera le renouvellement de leur doctrine par l'intelligence des clefs cabalistiques qui ouvrent le temple de l'unité et de la philosophie universelle, trop longtemps occulte et réservée seulement à des élus que le monde faisait mourir.

Mais nous avons dit que la reproduction de l'unité par le binaire conduit forcément à la notion et au dogme du ternaire, et nous arrivons enfin à ce grand nombre, qui est la plénitude et le verbe parfait de l'unité.

2 B

LES COLONNES DU TEMPLE

CHOCMAH.

DOMUS.

GNOSIS.

La science, c'est la possession absolue et complète de la vérité.

Aussi les sages de tous les siècles ont-ils tremblé devant ce mot absolu et terrible ; ils ont craint de s'arroger le premier privilège de la divinité, en s'attribuant la science, et ils se sont contentés, au lieu du verbe savoir, de celui qui exprime la connaissance, et, au lieu du mot science, ils ont adopté celui de gnose, qui exprime seulement l'idée de connaissance par intuition.

Que sait l'homme, en effet ? Rien, et pourtant il ne lui est pas permis de rien ignorer.

Il ne sait rien, et il est appelé à tout connaître.

Or la connaissance suppose le binaire. Il faut à l'être qui connaît un objet connu.

Le binaire est le générateur de la société et de la loi ; c'est aussi le nombre de la gnose. Le binaire est l'unité se multipliant d'elle-même pour créer ; et c'est pour cela que les symboles sacrés font sortir Eve de la poitrine même d'Adam.

Adam, c'est le tétragramme humain, qui se résume dans le jod mystérieux, image du phallus cabalistique. Ajoutez à ce jod le nom ternaire d'Eve, et vous formez le nom de Jéhova, le tétragramme divin, qui est le mot cabalistique et magique par excellence :

 

que le grand-prêtre, dans le temple, prononçait Jodchéva.

C'est ainsi que l'unité complète dans la fécondité du ternaire forme, avec lui, le quaternaire, qui est la clef de tous les nombres, de tous les mouvements et de toutes les formes. Le carré, en tournant sur lui-même, produit le cercle égal à lui-même, et c'est la quadrature du cercle que le mouvement circulaire de quatre angles égaux tournant autour d'un même point.

Ce qui est en haut, dit Hermès, égale ce qui est en bas : voilà le binaire servant de mesure à l'unité ; et la relation d'égalité entre le haut et le bas, voilà ce qui forme avec eux le ternaire.

Le principe créateur, c'est le phallus idéal; et le principe créé, c'est le cteïs formel.

L'insertion du phallus vertical dans le cteïs horizontal forme le stauros des gnostiques, ou la croix philosophique des maçons. Ainsi le croisement de deux produit quatre, qui, en se mouvant, déterminent le cercle avec tous ses degrés.

æ, c'est l'homme ; È c'est la femme 1, c'est le principe ; 2, c'est le verbe ; A, c'est l'actif ; B c'est le passif ; l'unité, c'est Bohas, et le binaire, c'est Jakin.

Dans les trigrammes de Fohi, l'unité, c'est le yang ; et le binaire, c'est le yin.

 

Bohas et Jakin sont les noms des deux colonnes symboliques qui étaient devant la porte principale du temple cabalistique de Salomon.

Ces deux colonnes expliquent en cabale tous les mystères de l'antagonisme, soit naturel, soit politique, soit religieux, et ils expliquent la lutte génératrice de l'homme et de la femme : car, selon la loi de la nature, la femme doit résister à l'homme, et lui, doit la charmer ou la soumettre.

Le principe actif cherche le principe passif, le plein est amoureux du vide. La gueule du serpent attire sa queue, et, en tournant sur lui-même, il se fuit et il se poursuit.

La femme est la création de l'homme, et la création universelle est la femme du premier principe.

Quand l'être principe s’est fait créateur, il a érigé un jod ou un phallus, et, pour lui faire place dans le plein de la lumière incréée, il a dû creuser un cteïs ou une fosse d'ombre égale a la dimension déterminée par son désir créateur, et attribuée par lui au jod idéal de la lumière rayonnante.

Tel est le langage mystérieux des cabalistes dans le Talmud, et, à cause des ignorances et des méchancetés du vulgaire, il nous est impossible de l'expliquer ou de le simplifier davantage.

Qu'est-ce donc que la création ? C'est la maison du Verbe créateur. Qu'est-ce que le cteïs ? C'est la maison du phallus. Quelle est la nature du principe actif ? C'est de répandre. Quelle est celle du principe passif ? C'est de rassembler et de féconder.

Qu'est-ce que l'homme ? C'est l'initiateur, celui qui brise, qui laboure et qui sème.

Qu'est-ce que la femme ? C'est la formatrice, celle qui réunit, qui arrose et qui moissonne.

L'homme fait la guerre, et la femme procure la paix ; l'homme détruit pour créer, la femme édifie pour conserver ; l'homme c'est la révolution, la femme c'est la conciliation ; l'homme est le père de Caïn, la femme est la mère d'Abel.

Qu'est-ce que la sagesse ? C'est la conciliation et l'union des deux principes, c'est la douceur d'Abel dirigeant l’énergie de Caïn, c'est l’homme suivant les douces inspirations de la femme, c'est la débauche vaincue par le légitime mariage, c'est l'énergie révolutionnaire adoucie et domptée par les douceurs de l'ordre et de la paix, c'est l'orgueil soumis a l'amour, c'est la science reconnaissant les inspirations de la foi.

Alors la science humaine devient sage, parce qu’elle est modeste, et se soumet à l'infaillibilité de la raison universelle, enseignée par l'amour ou par la charité universelle. Elle peut alors prendre le nom de gnose, parce qu'elle connaît du moins ce qu’elle ne peut encore se vanter de parfaitement savoir.

L'unité ne peut se manifester que par le binaire ; l'unité elle-même et l'idée de l'unité font déjà deux.

L'unité du macrocosme se révèle par les deux points opposés des deux triangles :

 

L'unité humaine se complète par la droite et la gauche. L'homme primitif est androgyne ; Tous les organes du corps humain sont disposés Par deux, excepté le nez, la langue, l'ombilic et le jod cabalistique.

La divinité, une dans son essence, a deux conditions essentielles pour bases fondamentales de son être : la nécessité et la liberté.

Les lois de la raison suprême nécessitent en Dieu et règlent la liberté, qui est nécessairement raisonnable et sage. Pour rendre la lumière visible, Dieu a seulement supposé l'ombre.

Pour manifester la vérité, il a rendu le doute possible.

L'ombre est le repoussoir de la lumière, et la possibilité de l'erreur est nécessaire pour la manifestation temporelle de la vérité.

Si le bouclier de Satan n'arrêtait la lance de Michaël, la puissance de l'ange se perdrait dans le vide ou devrait se manifester par une destruction infinie dirigée de haut en bas.

Et si le pied de Michaël ne retenait Satan dans son ascension, Satan irait détrôner Dieu, où plutôt se perdre lui-même dans les abîmes de la hauteur.

Satan est donc nécessaire à Michaël comme le piédestal à la statue, et Michaël est nécessaire à Satan comme le frein à la locomotive.

En dynamique analogique et universelle, on ne s'appuie que sur ce qui résiste.

Aussi l'univers est-il balancé par deux forces qui le maintiennent en équilibre : la force qui attire et celle qui repousse. Ces deux forces existent en physique, en philosophie et en religion. Elles produisent en physique l'équilibre, en philosophie la critique, en religion la révélation progressive. Les anciens ont représenté ce mystère par la lutte d'Eros et d'Antéros, par le combat de Jacob avec l'ange, par l'équilibre de la montagne d'or que tiennent liée, avec le serpent symbolique de l'Inde, les dieux d'un côté et de l'autre les démons.

Il se trouve aussi figuré par le caducée d'Hermanubis, par les deux chérubins de l'arche, par les deux sphinx du chariot d'Osiris, par les deus Séraphins, le blanc et le noir. Sa réalité scientifique est démontrée par les phénomènes de la polarité et par la loi universelle des sympathies ou des antipathies.

Les disciples inintelligents de Zoroastre ont divinisé le binaire sans le rapporter à l'unité, séparant ainsi les colonnes du temple, et voulant écarteler Dieu. Le binaire en Dieu n'existe que par le ternaire. Si vous concevez l'absolu comme deux, il faut immédiatement le concevoir comme trois, pour retrouver le principe unitaire.

C'est pour cela que les éléments matériels analogues aux éléments divins se conçoivent comme quatre, s’expliquent comme deux, et n'existent finalement que comme trois.

La révélation, c'est le binaire ; tout verbe est double et suppose deux.

La morale qui résulte de la révélation est fondée sur l’antagonisme, qui est la conséquence du binaire. L'esprit et la forme s'attirent et se repoussent comme l'idée et le signe, comme la vérité et la fiction. La raison suprême nécessite le dogme en se communiquant aux intelligences finies, et le dogme, en passant du domaine des idées à celui des formes, se fait participant de deux mondes, et a nécessairement deux sens qui parlent successivement, ou à la fois, soit à l'esprit, soit à la chair.

Aussi dans le domaine moral y a-t-il deux forces : une qui attente, et l'autre qui réprime ou qui expie. Ces deux forces sont figurées dans les mythes de la Genèse par les personnages typiques de Caïn et d'Abel.

Abel opprime Caïn par sa supériorité morale ; Caïn, pour s'affranchir, immortalise son frère en le tuant, et devient la victime de son propre forfait. Caïn n'a pu laisser vivre Abel, et le sang d'Abel ne laisse plus dormir Caïn.

Dans l'Evangile, le type de Caïn est remplacé par celui de l’Enfant prodigue, à qui son père pardonne tout, parce qu'il revient après avoir beaucoup souffert.

En Dieu, il y a miséricorde et justice : il fait justice aux justes et miséricorde aux pécheurs.

Dans l'âme du monde, qui est l'agent universel, il y a un courant d'amour et un courant de colère.

Ce fluide ambiant et qui pénètre toute chose ; ce rayon détaché de la gloire du soleil et fixé par le poids de l'atmosphère et par la force d'attraction centrale ; ce corps du Saint-Esprit, que nous appelons l'agent universel, et que les anciens ont représenté sous la figure du serpent qui se mord la queue ; cet éther électrico-magnétique, ce calorique vital et lumineux, est figuré dans les anciens monuments par la ceinture d'Isis, qui se tourne et se retourne en nœud d'amour autour des deux pôles, et par le serpent qui se mord la queue, emblème de la prudence et de Saturne.

Le mouvement et la vie consistent dans la tension extrême des deux forces.

Plût à Dieu, disait le Maître, que vous fussiez tout froid ou tout chaud !

En effet, un grand coupable est plus vivant qu'un homme lâche et tiède, et son retour à la vertu sera en raison de l'énergie de ses égarements.

La femme qui doit écraser la tête du serpent, c'est l'intelligence, qui surmonte toujours le courant des forces aveugles. C'est, disent les cabalistes, la vierge de la mer, dont le dragon infernal vient lécher les pieds Humides avec ses langues de feu qui s'endorment de volupté.

Tels sont les mystères hiératiques du binaire. Mais il en est un, le dernier de tous, qui ne doit pas être révélé: la raison en est, selon Hermès Trismégiste, dans l'inintelligence du vulgaire, qui donnerait aux nécessités de la science toute la portée immorale d'une aveugle fatalité. Il faut contenir le vulgaire, dit-il encore, par la frayeur de l'inconnu ; et le Christ disait aussi : Ne jetez pas vos perles devant les pourceaux, de peur qu'ils ne les foulent aux pieds, et que, se retournant contre vous, ils ne vous dévorent. L'arbre de la science du bien et du mal, dont les fruits donnent la mort, est l'image de ce secret hiératique du binaire. Ce secret, en effet, s’il est divulgué, ne peut être que mal compris, et l'on en conclut ordinairement à la négation impie du libre arbitre, qui est le principe moral de la vie. Il est donc dans l'essence des choses que la révélation de ce secret donne la mort, et ce n'est pourtant pas encore là le grand arcane de la magie ; mais le secret du binaire conduit à celui du quaternaire, ou plutôt il en procède et se résout par le ternaire, qui contient le mot de l'énigme du sphinx tel qu'il eût dû être trouvé pour sauver la vie, expier le crime involontaire, et assurer le royaume d'Œdipe.

Dans le livre hiéroglyphique d'Hermès (voir le jeu de Tarot), que l'on nomme aussi le livre de Thot, le binaire est représenté soit par une grande prêtresse ayant les cornes d'Isis, la tête voilée, un livre ouvert, qu'elle cache à demi sous son manteau ; ou par la femme souveraine, la déesse Junon des Grecs, tenant une main élevée vers le ciel et l'autre abaisse vers la terre, comme si elle formulait par ce geste le dogme unique et dualiste qui est à la base de la magie et qui commence les merveilleux symboles de la table d'émeraude d'Hermès.

Dans l'Apocalypse de saint Jean, il est question de deux témoins ou martyrs auxquels la tradition prophétique donne les noms d'Elie et d'Hénoch : Elie, l'homme de la foi, du zèle et du miracle ; Hénoch, le même que les Egyptiens ont appelé Hermès et que les Phéniciens honoraient sous le nom de Cadmus, l'auteur de l'alphabet sacré et de la clef universelle des initiations du Verbe, le père de la cabale, celui, disent les saintes allégories, qui n'est pas mort comme les autres hommes, mais qui a été enlevé au ciel pour revenir à la fin des temps. On disait à peu près la même chose de saint Jean lui-même, qui a retrouvé et expliqué dans son Apocalypse les symboles du Verbe d'Hénoch. Cette résurrection de saint Jean et d'Hénoch, attendue à la fin des siècles d'ignorance, sera le renouvellement de leur doctrine par l'intelligence des clefs cabalistiques qui ouvrent le temple de l'unité et de la philosophie universelle, trop longtemps occulte et réservée seulement à des élus que le monde faisait mourir.

Mais nous avons dit que la reproduction de l'unité par le binaire conduit forcément à la notion et au dogme du ternaire, et nous arrivons enfin à ce grand nombre, qui est la plénitude et le verbe parfait de l'unité.

Titre : DOGME ET RITUEL DE HAUTE MAGIE
Auteur : Éliphas Lévi


16/05/2015
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